Les chercheurs cartographient la composition cellulaire du mélanome métastatique et identifient la cause de la résistance à l'immunothérapie. 

Cibler les cellules de mélanome de type mésenchymateux pourrait déclencher une réponse à l'immunothérapie.

Louvain, 9 Janvier 2023 – Un groupe de chercheurs, dirigé par le professeur Jean-Christophe Marine du Centre de biologie du cancer VIB-KU Leuven, et le professeur en oncologie médicale Oliver Bechter de l'UZ Leuven, a développé une nouvelle stratégie pour induire une réponse à l'immunothérapie chez les patients atteints de mélanome ne répondant pas à ce traitement. En utilisant des technologies avancées de cellules individuelles, ils ont identifié un groupe de cellules cancéreuses qui confère une résistance à l'immunothérapie. L'équipe a ensuite élaboré une stratégie de traitement pour se débarrasser de ces cellules, augmentant considérablement l'efficacité de l'immunothérapie dans des modèles précliniques. Les résultats de cette recherche viennent d'être publiés dans la revue Cell.

L'immunothérapie a émergé comme une méthode révolutionnaire pour traiter le cancer, exploitant le propre système immunitaire du corps pour combattre les tumeurs. Les avancées récentes dans ce domaine ont montré des résultats prometteurs, en particulier pour les patients atteints de cancers de la peau avancés tels que le mélanome. Cependant, un obstacle significatif persiste. Moins de 50 % des patients atteints de mélanome répondent bien à l'immunothérapie.

Les raisons de cette résistance ne sont pas entièrement comprises, incitant une équipe de chercheurs dirigée par le professeur Jean-Christophe Marine (Centre de biologie du cancer VIB-KU Leuven) à utiliser un nouvel ensemble d'outils permettant une dissection approfondie de l'écosystème tumoral à un niveau de détail sans précédent. Ce tour de force, soutenu par le programme VIB Grand Challenges et mené en collaboration avec le professeur Oliver Bechter et le professeur Francesca Bosisio de l'UZ Leuven, visait à découvrir les facteurs contribuant à la résistance à l'immunothérapie.

Dresser la carte d'une tumeur de mélanome

Dans une première étape, l'équipe de recherche a analysé en détail chaque cellule cancéreuse au sein des lésions de mélanome obtenues auprès de plus de 20 patients. En utilisant des technologies de cellules individuelles et spatiales de pointe, ils ont caractérisé avec succès chaque cellule cancéreuse individuelle et ont cartographié leur emplacement précis au sein de l'architecture complexe de la tumeur.

Joanna Pozniak (Laboratoire Marine), Ewout Landeloos (Laboratoire Marine) et Dennis Pedri (Laboratoire Marine et Annaert), co-premiers auteurs de l'article : "Grâce à une étroite collaboration avec l'UZ Leuven, nous avons pu utiliser des échantillons de patients atteints de mélanome collectés avant traitement et après un cycle d’immunotherapie, la thérapie de choix à l’heure actuelle pour la plupart des patients atteints de mélanome. Grâce à l'analyse des données de séquençage d'ARN de cellules individuelles, nous avons obtenu des informations détaillées sur la composition cellulaire des lésions de ces tumeurs et de leur comportement pendant le traitement”. L'équipe a ainsi pu générer une carte haute résolution pour chaque tumeur. Leurs résultats ont révélé que les mélanomes se composent d'un ensemble diversifié de 7 grande familles distinctes de cellules cancéreuses. De manière interessante, les traits uniques de chacun de ces groups de cellule semblaient être influencés par son emplacement au sein de la tumeur, suggérant l’existance d’un code de distribution spatial et une capacité des cellules tumorales à communiquer avec les cellules voisines."

Avec cette carte détaillée des tumeurs de mélanome en main, les chercheurs ont cherché à identifier les types de cellules associés à la résistance à l'immunothérapie. Étonnamment, les cellules présentant des charactéristiques mésenchymateuses et de cellules souches, se sont avérés à la fois assez rares et indicatifs d'une réponse atténuée à l'immunothérapie. L'équipe a conclu que ces cellules de mélanome de type mésenchymateux possèdent une capacité remarquable à échapper aux attaques immunitaires et à favoriser un environnement qui compromet l'activité du système immunitaire. Ce faisant, elles contribuent à la résistance au traitement.

Jean-Christophe Marine, Joanna Pozniak et Oliver Bechter.
Jean-Christophe Marine, Joanna Pozniak et Oliver Bechter.

Avec cette carte détaillée des tumeurs de mélanome en main, les chercheurs ont cherché à identifier les types de cellules associés à la résistance à l'immunothérapie. Étonnamment, les cellules présentant des charactéristiques mésenchymateuses et de cellules souches, se sont avérés à la fois assez rares et indicatifs d'une réponse atténuée à l'immunothérapie. L'équipe a conclu que ces cellules de mélanome de type mésenchymateux possèdent une capacité remarquable à échapper aux attaques immunitaires et à favoriser un environnement qui compromet l'activité du système immunitaire. Ce faisant, elles contribuent à la résistance au traitement.

L'équipe a ensuite découvert que la capacité de ces cellules à échapper au système immunitaire dépend d'une molécule appelée TCF4. En utilisant une stratégie thérapeutique ciblant efficacement cette molécule, et ce en recyclant un médicament existant, l'équipe a démontré que cette approche peut être utilisée pour sensibiliser le mélanome réfractaire à l'immunothérapie dans des modèles précliniques.

Jean-Christophe Marine, Centre de biologie du cancer VIB-KU Leuven : "Grâce aux technologies modernes de séquençage, nous sommes maintenant capables de comprendre la complexité des tumeurs comme jamais auparavant. Nous pouvons enfin suivre chaque cellule au sein d'une tumeur et identifier celles capables de freiner les effets de l'immunothérapie. En nous concentrant sur la biologie de ces cellules grâce à des études mécanistiques et des travaux précliniques, nous avond démontré que l’élimination de ces cellules augmente l'efficacité thérapeutique. Notre découverte offre des perspectives thérapeutique interessantes pour les 50% de patients atteints de mélanome ne répondant pas à l'immunothérapie.”

Les conclusions de cette étude suggèrent que la réaffectation d'un médicament épigénétique (tel que les inhibiteurs de BET) pour cibler le gène TCF4 pourrait offrir une solution viable pour améliorer la réponse de certains patients à l'immunothérapie. Cependant, des recherches supplémentaires et des essais cliniques seront nécessaires pour valider ces résultats et évaluer l'efficacité de la nouvelle stratégie proposée.

Les recherches décrites dans cet article ont été rendues possibles grâce à l'altruisme et au courage des patients atteints de mélanome participant à cette étude, ainsi qu'au soutien financier de programmes tels que le Programme VIB Grand Challenges, le FWO, le fonds Marie Sklodowska-Curie et la Fondation contre le Cancer.


Publication

A TCF4-dependent gene regulatory network confers resistance to immunotherapy in melanoma. Pozniak et al. Cell, 2024. DOI: 10.1016/j.cell.2023.11.037


Joran Lauwers

Joran Lauwers

Science & Business Communications Expert, VIB

 

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